Flou23 a écrit:
Un petit complément d'info: utilisez vous la repasse pour certaines espèces ? Je vois par exemple la mésange huppée par chez moi, espèce qui répond très bien à cette pratique, si vous ne l'intriguez pas un peu elle reste en haut des épicéas, interdisant toute photo autre qu'une sévère contre-plongée.
Evidemment je parle pour la période hivernale (et même là c'est avec modération), je m'interdit cette technique dès la fin de l'hiver pour ne pas risquer de perturber la reproduction. Mais en hiver, au delà d'avoir fait venir 2-3 espèces que je n'avais jamais vu jusque là, cela m'a aussi permis de bien progresser dans la connaissance des chants et cris, domaine dans lequel je stagnais un peu. Donc je me posais des question sur son utilisation dans un but photographique.
Qu'en pensez vous et que pratiquez vous ?
Cordialement
Moins tu t'en serviras et mieux se sera quelle que soit la saison. L'hiver les oiseaux ont autre chose à faire que se faire photographier. Par exemple un roitelet doit manger son poids (5gr) en petits insectes et larves tous les jours pour survivre aux nuits hivernales.
L'autre problème de la repasse c'est qu'il y a des photographes qui ne savent plus faire de photo de passereaux sans elle. Et il y a plein d'oiseaux qui ne laissent pas leurrer alors autant apprendre à faire de l'animalier sans son recours. Sans compter que c'est quand même plus gratifiant
Article Ornithomédia de 2017
Citation:
Les atouts de la repasse
- Elle augmente la probabilité d’observer ou d’écouter les oiseaux par rapport à une méthode classique (silencieuse) de recensement.
- Elle permet de repérer des oiseaux discrets et restant cachés dans la végétation, évitant ainsi de devoir pénétrer dans leur habitat pour les compter. Les ornithologues peuvent les observer depuis un chemin ou une route, ce qui limite les dérangements des oiseaux et des autres animaux
- La diffusion du chant ou des cris d’une espèce ne fera réagir que celle-ci, ce qui est préférable à la technique du chuintement (« pishing ») (lire Pratiquer le pishing : oui, mais…) qui excite toutes les espèces présentes sans distinction.
- La diffusion de chants d’une espèce peut l’inciter à utiliser des nichoirs, comme c’est le cas par exemple pour le Martinet noir (Apus apus), ou bien à s’installer sur des sites de nidification aménagés pour eux (exemples des Macareux moines et des sternes dans le Maine aux États-Unis). Au Texas, une étude a montré que des chants diffusés à un volume élevé six heures par jour durant la période de reproduction favorisaient l’installation des Viréos à tête noire (Vireo atricapilla) dans des territoires inoccupés.
- Les cris d’alerte diffusés par des haut-parleurs peuvent éloigner des oiseaux trop nombreux (corvidés, goélands, étourneaux…) dans certains secteurs urbains, évitant ainsi des méthodes plus agressives.
Les limites de la repasse
La repasse est utilisée dans un grand nombre d’études ornithologiques, mais son efficacité peut varier selon l’espèce (généralement, plus une espèce est territoriale plus les mâles auront tendance à réagir), l’individu (âge, expérience, niveau hiérarchique…), la saison, le moment de la journée (lire Quelques effets de la lune sur l’activité des oiseaux), l’habitat (un son se propage moins bien en forêt que dans un milieu ouvert), la fréquence d’utilisation de la repasse dans un endroit donné et/ou la qualité de l’enregistrement sonore. Pour limiter les aléas liés à l’enregistrement, certains ornithologues peuvent créer des signaux sonores artificiels composés de différents chants/cris.
Lorsque la repasse est fréquemment pratiquée dans un endroit donné, l’espèce ciblée peut « s’habituer » et ne plus réagir : cela a été constaté en Équateur pour le Troglodyte maculé (Pheugopedius euophrys)
Les risques de la repasse
La repasse a un impact sur les oiseaux car ils réagissent généralement à la diffusion de leurs cris ou de leur chant. S’il n’a pas encore été démontré de façon certaine que cette technique pouvait contribuer localement au déclin d’une espèce ou l’empêcher de se reproduire, plusieurs inconvénients ont été recensés :
- Le mâle (et/ou la femelle pour quelques espèces) consomme une énergie précieuse à chasser un intrus invisible. Il a également été montré que la repasse pouvait entraîner une augmentation du taux de testostérone dans le sang du mâle du Fourmilier grivelé (Hylophylax naevioides) et donc le rendre plus agressif. Or une augmentation du taux de cette hormone a un effet négatif sur la santé d’un oiseau.
- Des oiseaux attirés par la diffusion des cris ou du chant de leur espèce ou d’un prédateur peuvent s’éloigner de leur nid, les oeufs et les poussins étant laissés sans protection.
- L’excitation du mâle ou de la femelle peut favoriser la détection de leur nid par des prédateurs ou les mettre en danger en les poussant à se mettre à découvert.
- Mennill et al. (2002) ont déterminé que le mâle de la Mésange à tête noire (Poecile atricapillus) qui réagissait à un enregistrement du chant d’un rival diffusé plus de six minutes pouvait perdre son « statut » de partenaire officiel, sa femelle le considérant comme étant incapable de chasser un rival invisible mais insistant. Elle peut même chercher alors à copuler avec d’autres mâles. Cette perturbation peut ainsi favoriser des mâles d’un rang hiérarchique inférieur.
- Selon McNicholl (1978), la repasse utilisée durant la période de reproduction peut affecter négativement les liens entre les partenaires des couples de chouettes.
- Dans la forêt équatorienne, on a observé que le Troglodyte maculé (Pheugopedius euophrys) et la Grallaire rousse (Grallaria rufula) pouvaient parfois être perturbés par la pratique de la repasse. Ils chantaient davantage et répétaient certaines strophes après cinq minutes de diffusion du chant de leur espèce, dépensant ainsi inutilement de l’énergie.
- En hiver, en particulier quand il fait très froid, la diffusion d’enregistrements d’une espèce ou de ses prédateurs peut lui faire perdre un temps précieux qui aurait pu être consacré à chercher de la nourriture ou un abri pour la nuit.
- La diffusion d’enregistrements peut servir aux braconniers et à certains chasseurs pour attirer des oiseaux. Par exemple, 90 % des 38 000 Cailles des blés (Coturnix coturnix) tuées en Serbie durant deux mois en 2004 auraient été leurrées par la diffusion d’enregistrements de l’espèce.
La repasse peut gêner les observateurs non avertis qui pensent entendre de vrais oiseaux. Cette situation a par exemple été rencontrée lors des recherches du Pic à bec d’ivoire (Campephilus principalis) en 2004-2005 dans le sud des États-Unis.
Elle rend enfin l’observation d’une espèce recherchée moins passionnante et intéressante car trop facile. Dans les voyages ornithologiques organisés, des guides utilisent la repasse pour permettre aux participants de voir plus rapidement certaines espèces.